SÉVRINE LABELLE : DES OPPORTUNITÉS DERRIÈRE LA CRISE

Mardi 15 septembre 2020

La pandémie a eu de lourdes conséquences pour les entrepreneurs. Cette crise affecte-elle davantage les femmes ? Personnalité incontournable des affaires au féminin, Sévrine Labelle revient sur les impacts genrés du ralentissement des derniers mois, chiffres à l’appui.

Florence Dujoux


 

Avant la crise, quelle était la tendance en matière d’entrepreneuriat féminin au Québec?

Depuis 2017, Sévrine Labelle est Présidente-directrice générale de Femmessor. © Crédit photo Gaëlle Vuillaume

Depuis 2017, Sévrine Labelle est Présidente-directrice générale de Femmessor.

© Crédit photo Gaëlle Vuillaume

Avant la pandémie, on voyait beaucoup d’espoir naître à l’horizon. L’intention d’entreprendre des femmes a triplé depuis 2009, et on était enfin en train d’atteindre la parité dans la nouvelle génération d’entrepreneurs. Autre élément, la proportion des entreprises détenues majoritairement par des femmes au Canada, qui exportent leurs biens et services, a doublé entre 2011 et 2017. Non seulement les femmes étaient plus actives en entrepreneuriat, mais elles étaient aussi présentes dans des entreprises de plus grande taille.

Comment la pandémie a-t-elle impacté les femmes entrepreneures?

C’est sûr que la crise a frappé tous les entrepreneurs, hommes comme femmes. Mais les femmes ont été encore plus durement impactées, pour différentes raisons. D’abord, elles sont nombreuses dans les secteurs les plus touchés par la pandémie, comme le commerce de détail, la restauration, les services à la personne, etc. Ensuite, les entreprises à propriété féminine sont souvent de plus petite taille, ce qui signifie moins de moyens financiers pour passer à travers la crise. Et on ajoute à cela la difficulté de la conciliation travail-famille. D’après une étude Femmessor, on est à risque de voir fermer 20% des entreprises à propriété féminine à cause de cette crise, ce qui est majeur!

« C’est sûr que la crise a frappé tous les entrepreneurs, hommes comme femmes. Mais les femmes ont été encore plus durement impactées, pour différentes raisons. » - Sévrine Labelle


Quelle a été l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises financées par Femmessor depuis le début de la pandémie?

Dans notre portefeuille d’investissement, on voit trois grandes tendances se dégager. 75% des entreprises vivent des difficultés financières à cause de la situation actuelle, et ont bénéficié de mesures de report de paiement. Pour 20% d’entre elles, on parle d’une situation vraiment alarmante, avec un risque de ne pas se relever. Mais il y a aussi 18% des entreprises qui sont en accélération, qui ont saisi des opportunités en lien avec la crise.

« 75% des entreprises vivent des difficultés financières à cause de la situation actuelle » - Sévrine Labelle

Comment l’offre d’accompagnement de Femmessor a-t-elle évolué pour répondre aux nouveaux besoins des entrepreneures?

Cette crise-là est difficile pour les femmes, mais elle permet de voir toute leur résilience, leur capacité d’innover. Les entrepreneures sont nombreuses à exprimer le besoin d’être accompagnées au niveau de la gestion financière, par exemple pour préparer une demande de financement, et au niveau du virage numérique, en particulier sur le marketing en ligne. Un autre besoin est ressorti, celui de l’aide au développement des affaires, maintenant qu’on ne peut plus se voir. On déploie une quarantaine de cellules de co-développement à travers le Québec pour briser l’isolement. Grâce à un partenariat avec le gouvernement fédéral, nous pouvons désormais étendre l’accompagnement personnalisé offert jusqu’ici aux entrepreneures bénéficiant d’un prêt à travers notre fond à davantage d’entrepreneures, même si elles n’ont pas de financement chez Femmessor.

Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux femmes entrepreneures pour traverser la période d'incertitude actuelle ?

La première chose, c’est de ne pas hésiter à demander de l’aide et à aller chercher toutes les mesures de soutien auxquelles une entrepreneure peut avoir le droit. C’est important aussi de ne pas s’isoler et de rester en contact avec d’autres entrepreneures qui vivent les mêmes réalités. Enfin, il faut veiller à bien s’entourer. Je pense que derrière chaque crise il y a une opportunité ; la crise que l’on vit actuellement peut être une bonne occasion de réfléchir à la manière dont une entreprise peut se réinventer pour mieux répondre aux besoins de la société. C’est aussi le bon moment pour s’aligner davantage sur ce qu’on veut accomplir dans la vie. La relance va arriver, on ne sait pas quand, mais elle va revenir, il faut s’y préparer.

Femmessor est une organisation dédiée au développement de l’entrepreneuriat féminin. Présente dans les 17 régions du Québec, l’organisation contribue à la création, l’acquisition et la croissance d’entreprises dirigées et détenues totalement ou en partie par des femmes, grâce à des offres de financement et d’accompagnement. 


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