Exclu: Magali Picard entend moderniser la FTQ

 

Magali Picard est la nouvelle présidente de la FTQ. (Photo, site de la FTQ)

14 février 2023 - Nouvellement élue comme présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard n’est pas seulement la première femme, et la première femme autochtone, à diriger la plus grande centrale syndicale du Québec. C’est aussi une dirigeante qui se mobilise pour faire évoluer l’organisation avec son temps et éviter les anachronismes.

Marc-André Leclerc

Dès l’élection de Magali Picard à la tête de la FTQ, les médias ont souligné à grands traits qu’elle devenait ainsi la première femme et également la première Autochtone élue à ce poste. Une première qui vient avec son lot de pression.

« C’est une fierté d’être la première femme et la première Autochtone. Mais, je ne voudrais pas que ce soit juste ça mon élection. J’espère avoir été élue en raison de mon expérience et de mon militantisme depuis les années 1990. Si ça peut inspirer d’autres femmes à se dire, je prends ma place, ça me rend heureuse », mentionne celle qui a commencé son engagement dans le monde syndical lorsqu’elle travaillait dans la fonction publique fédérale au sein du ministère des Anciens combattants.

Un symbole historique

Magali Picard est toujours très attachée à sa communauté. Plusieurs membres de sa famille résident toujours à Wendake dans la région de Québec. C’est lorsqu’elle a déménagé dans le chef-lieu de la nation huronne-wendate qu’elle a commencé son engagement social. « Après six mois là-bas, je me suis rendu compte que j’allais vivre une grande injustice. J’ai réalisé que si je ne me mariais pas à un homme issu des Premières Nations, j’allais être expulsée de Wendake. Je viens d’une famille progressiste, le choc a été violent. »

« C’est une fierté d’être la première femme et la première Autochtone à la direction de la FTQ. Mais, je ne voudrais pas que ce soit juste ça. J’espère avoir été élue pour mon expérience. » - Magali Picard a été élue présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) en janvier 2023.

C’est en 1985 que la Loi sur les Indiens a été modifiée. Depuis, les femmes qui n’avaient pas épousé un Indien inscrit ont pu demander le rétablissement de leur statut et de leurs droits. « Ma tante Louise m’a dit : ça te touche ? Tu vas embarquer avec nous autres. Elle a ajouté : on manifeste pour retrouver nos droits et je te jure qu’on va gagner. En 1985, j’ai vu ces femmes-là pleurer, se souvient la syndicaliste. Ces femmes se battaient depuis des années, bien avant moi. Quelle satisfaction de voir que ça se pouvait de faire changer les choses. »

Devenir la première femme à diriger l’organisation, c’est un symbole fort. Être la première femme autochtone à accéder à ce pouvoir compte encore davantage. « Je viens d’une communauté où la confiance avec nos voisins est extrêmement difficile. Avec tout ce qui a été vécu dans les communautés autochtones, on nous disait toujours de faire attention quand quelqu’un nous approchait. Établir une relation de confiance pour aller militer dans un syndicat, c’est nouveau pour les Premières Nations. »


« Je ne serais pas une bonne candidate. La ligne de parti me dérangerait énormément. » - Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

 

Une ambition affichée : vivre avec son temps

Magali Picard a une vision claire de son mandat : « On doit se rapprocher de nos membres. C’est un constat dont je n’étais pas fière comme militante : on avait tenu nos membres pour acquis. On travaille tellement. On est tellement à leur défense. On est tellement présent dans les débats. Mais, pas assez auprès d’eux », souligne-t-elle.

Pour la dirigeante, pas question d’ignorer les nouvelles plateformes de communication. « Il faut se questionner sur les outils qu’on utilise. En 2023, tout va vite. Est-ce qu’on a vraiment adapté nos méthodes au niveau des communications ? Je n’en suis pas convaincue. On peut faire des balados par exemple. Il faut arriver à moderniser les canaux de communications. »

« En 2023, tout va vite. Est-ce qu’on a vraiment adapté nos méthodes au niveau des communications ? Je n’en suis pas convaincue. » - Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Pour rapprocher les dirigeants des syndicats et les membres, Magali Picard souhaite que les rencontres du Conseil général de la FTQ, qui est l’instance la plus importante entre les congrès, se déplacent dans les régions. Actuellement, les rencontres se font normalement près de Laval. « Souvent à tort, il y a une perspective qu’il n’y a pas les mêmes services en région. Il faut travailler davantage avec les régions. Nous devons adapter les services aux besoins spécifiques de ces localités du Québec. Les campagnes régionales sont importantes, car sur le terrain, il y a des questions spécifiques qui diffèrent d’un endroit à l’autre. »

Un agenda chargé

Accessibilité du régime des rentes du Québec, salaire minimum, négociations dans le secteur public et exigences des travailleurs en pleine pénurie de la main-d’œuvre seront des dossiers chauds qui vont tenir la nouvelle présidente de la FTQ bien occupée. Magali Picard promet d’être au rendez-vous : « Que le gouvernement se tienne prêt. On va faire partie de tous les débats. Mon poste nécessite de maintenir une collaboration avec le gouvernement et je m’y engage pleinement. »

Lors des premières entrevues qu’elle a données, la nouvelle présidente de la FTQ n’est pas passée par quatre chemins pour exprimer ce qu’elle pense de l’attitude de François Legault comme premier ministre du Québec. Le mot arrogance a été utilisé pour résumer la façon dont l’équipe de la CAQ agit également dans les dossiers qui touchent les travailleurs représentés par la FTQ. « Quand je dis que le gouvernement de la CAQ est arrogant, c’est que je trouve ça arrogant de la façon qu’il gère le Québec actuellement, insiste Mme Picard. Par exemple, dans le dossier de l’âge d’admissibilité au RRQ, les consultations sont menées à la dernière minute. Il n’y a pas de grandes consultations. Des délais extrêmement courts comme si tout était déjà réglé. »

« On va faire partie de tous les débats. Mon poste nécessite de maintenir une collaboration avec le gouvernement et je m’y engage pleinement. » - Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Avec un gouvernement minoritaire sur la scène fédérale, Magali Picard aura également les yeux tournés vers Ottawa. Même si elle dit que la FTQ ne sera pas la succursale d’un parti politique, elle mentionne clairement que sa formation syndicale va s’opposer à certaines formations politiques. « Je suis terrorisée à l’idée que nous puissions nous retrouver avec un gars comme Pierre Poilievre à la tête du pays. Ce n’est pas mon opinion personnelle qui compte, mais je sais à quel point ces gouvernements-là peuvent être néfastes, voire dangereux pour les travailleurs. »

Magali Picard n’entretient pas le projet de se lancer en politique. « Je ne serais pas une bonne candidate. La ligne de parti me dérangerait énormément. Il y a quand même une ligne de parti dans les syndicats. Cependant, je pense qu’à la base ce sont les valeurs du monde syndicaliste, indépendamment des stratégies, qui nous motivent. »