Habi Gerba : un premier anniversaire

 

14 février 2023 - Habi Gerba fête ce mois-ci son premier anniversaire en tant que présidente et porte-parole de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM). La championne de la diversité a déjà laissé sa marque dans l’organisation : sous son règne, le nombre de membres sous-représentés a doublé. Entrevue avec une femme de conviction.  

 
 

Habi Gerba, présidente et porte-parole de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM)

Habi Gerba a siégé au conseil d’administration du Réseau des Femmes d’affaires du Québec pendant cinq ans. La présidente et fondatrice de Gazelles, une ligne de prêt-à-porter pour femmes d’affaires, s’est engagée parce qu’elle voyait là l’opportunité de changer les choses. Cette envie de changer le monde revient d’ailleurs souvent dans son discours. « J’assiste à des réunions depuis que j’ai 16 ans avec mes parents. Ça fait longtemps que je remarque qu’il y a très peu de diversité dans le milieu des affaires. Je voyais un beau parallèle entre la lutte des femmes et celle que les jeunes mènent pour faire leur place », dit-elle.

« L’EDI est à la mode, mais chacune de ces trois lettres représente un défi différent. On se rend compte sur le terrain que les initiatives sont souvent cosmétiques et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. » - Habi Gerba, présidente et porte-parole de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM)

En acceptant ce mandat – bénévole, doit-on le souligner, – l’entrepreneure voulait ainsi mettre de sa voix, de sa passion et de son énergie pour participer au virage inclusif d’un univers encore trop homogène. « Il y a aussi toute la notion de retombées qui me motivait, ajoute-t-elle. Je voulais pousser les jeunes à croire qu’ils ont une place au sein des instances. Qu’ils sont capables d’avoir une portée sur la société, dans leur organisation, sans nécessairement être des cadres. » Elle comptait en outre moderniser la JCCM et ses méthodes.

Plusieurs nouvelles initiatives

Après un an comme présidente, Habi Gerba voit déjà ses efforts porter fruit. « On a doublé le nombre de membres issus de groupes sous-représentés. J’insiste sur cette expression parce que je n’aime pas limiter mon action à la “diversité”. Je parle à tous ceux qui regardent autour d’eux et ne trouvent personne qui leur ressemble. » Pour elle, les sous-représentés incluent les femmes, les communautés autochtones, les gens sur le spectre de l’autisme et les personnes handicapées, en plus des groupes de minorités visibles.

Bien être | Les sondages de la JCCM démontrent que les membres ne savent pas où tracer la ligne et qu’ils aspirent au droit à la déconnexion et à l’équilibre.

La seconde partie de son mandat se placera sous le signe de la continuité puisque la JCCM a instauré une panoplie de nouvelles initiatives vers la fin de 2022. « En collaboration avec Fondaction, on a lancé la première cohorte Génération d’impact, qui est destinée aux professionnels qui veulent changer les choses de l’intérieur. Les ateliers et les formations aideront 20 jeunes à choisir un combat pour transformer de façon concrète leur milieu de travail », explique Habi Gerba, qui espère que l’expérience fera boule de neige.

Le projet Un réseau d’allié·es enthousiasme également la dirigeante. « On a reçu un soutien de 150 000 $ du gouvernement du Québec pour éliminer les silos et vraiment favoriser la diversité dans le milieu des affaires. » Consultations, sensibilisation et actions concrètes sont au menu. « J’aime dire que je suis la présidente des non convaincus. Je veux sensibiliser l’équipe de la JCCM au fait que ça peut être intimidant d’entrer dans le monde des affaires, surtout quand on est issu de la diversité. » Pour surmonter cet obstacle, Habi Gerba a entre autres créé une formation sur l’art de réseauter. Elle a aussi réalisé une première campagne de sociofinancement afin d’offrir gratuitement à 100 personnes sous-représentées une adhésion à la chambre de commerce et un accès aux formations.

Des défis spécifiques aux jeunes

Selon Habi Gerba, le principal défi auquel les jeunes sont confrontés est celui de la crédibilité. « Il y a une certaine incompréhension de la force silencieuse des jeunes, de leurs idées, de leurs questionnements. En cette période de pénurie de main-d’œuvre, je pense qu’ils sont sous-utilisés. Je veux convaincre les entreprises de l’importance de s’allier aux jeunes, de les écouter. » Les mots du président du Mouvement Desjardins, Guy Cormier, trouvent écho chez l’entrepreneure. « Il aime se référer à l’histoire du métro de Montréal pour souligner que la moyenne d’âge des ingénieurs à l’époque de sa construction était de 32 ans. Il demande souvent aux gens autour de lui s’ils laissent autant de place aux employés de 32 ans dans leur organisation. Il a compris la richesse de la jeunesse », croit Habi Gerba.

Elle estime également qu’un transfert de connaissance doit avoir lieu. « Il y a un fossé entre ceux qui entrent sur le marché du travail très jeunes et ceux qui ont accédé à un poste de gestion très jeunes. C’est un défi pour les organisations d’opérer la transition entre les générations. » La véritable inclusion demeure en outre difficile à atteindre. « L’EDI est à la mode, mais chacune de ces trois lettres représente un défi différent. On se rend compte sur le terrain que les initiatives sont souvent cosmétiques et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. »

Environnement, déconnexion et santé mentale

L’environnement trône en tête de liste des priorités des jeunes professionnels, selon la présidente de la JCCM. « On veut voir plus de changements dans les organisations privées. Les jeunes ont envie d’avoir voix au chapitre, de participer à cette transformation. » Elle constate d’ailleurs que plusieurs vivent de l’anxiété devant le manque d’actions concrètes. La santé mentale préoccupe également les jeunes, qui n’ont pas peur d’en parler. « C’est un sujet primordial surtout qu’avec le télétravail aujourd’hui, la frontière entre les sphères professionnelle et personnelle est devenue floue. » Les sondages de la JCCM démontrent que les membres ne savent pas où tracer la ligne et qu’ils aspirent au droit à la déconnexion et à l’équilibre.

 
Émilie Laperrière