Conseil financier : le moment des ajustements  

 

17 septembre 2023

Votre conseiller financier ne pose que des questions à votre conjoint alors que vous le rencontrez à deux? Il présume que vous ne connaissez rien à la finance? Dans le monde bancaire, les préjugés sont monnaie courante.

Émilie Laperrière

 En plus de 20 ans de carrière dans l’industrie financière, Kim Morris a eu le temps de réfléchir aux idées reçues qui persistent dans le secteur. La gestionnaire de portefeuille privé chez Jarislowsky Fraser recense des préjugés que les conseillers financiers entretiennent, souvent de façon inconsciente, envers les clientes.

Les femmes seraient plus prudentes

Aujourd’hui encore, on croit que les femmes sont plus prudentes et ont une aversion pour le risque quand vient le temps d’investir. « On pense aussi que les femmes se désintéressent du sujet ou qu’elles ont moins de connaissances financières », dit-elle. La finance demeure un « monde de gars ». À l’heure actuelle, on ne compte que 15 à 20 % de femmes parmi les conseillers au Canada.

Les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes besoins  

 « Toutes les institutions financières tentent de se tourner vers la clientèle féminine et elles semblent nous placer toutes dans le même panier », remarque Kim Morris. En raison d’une espérance de vie plus élevée, les femmes héritent du patrimoine familial et se retrouvent souvent seules pour prendre les décisions. « Elles ont donc besoin de soutien à ce moment pour gérer leurs actifs. » La spécialiste concède également que les femmes ont des responsabilités propres à leur nature biologique et sociale. « Les femmes mettent encore leur carrière sur pause quand elles deviennent mamans. Si l’écart salarial se rétrécit, il y a quand même eu plusieurs générations où les femmes gagnaient moins que les hommes. Tous ces facteurs nous différencient. »

 
« À la banque, les hommes ont tendance à dominer la conversation lors des rencontres conjugales. » - Caroline Renaud, vice-présidente et chef de marché de BMO Gestion privée

 

Un pouvoir économique en expansion

« Le rôle du conseiller financier est d’aider les investisseuses à saisir les opportunités parce que les femmes sont prêtes à prendre des risques quand elles les comprennent bien et qu’elles se sentent en confiance », estime Caroline Renaud, vice-présidente et chef de marché de BMO Gestion privée. Elle ajoute que les hommes ont tendance à dominer la conversation lors des rencontres de couple. Afin de s’assurer que les clientes expriment leurs besoins, l’experte suggère de rencontrer séparément les conjoints : « On peut ainsi se concentrer sur ses objectifs à elle. Et on réalise que les femmes s’intéressent aussi aux finances.  Il faut s’ouvrir, être empathique, inclusif, se mettre dans les souliers de nos clientes et adopter une approche différente. »

Si les femmes ne tiennent pas mordicus à avoir une conseillère financière, il est grand temps que l’industrie leur fasse une place. « Les biais inconscients sont des mécanismes de défense, rappelle Hadiza Djataou, gestionnaire de portefeuille et vice-présidente portefeuille à revenus fixes pour Placements Mackenzie. La solution passe par une plus grande représentativité féminine en finance. Hadiza Djataou en est convaincue.  Kim Morris mise aussi sur la diversité pour casser les préjugés. « C’est important d’avoir des femmes au sein des firmes de conseils et des institutions financières. Ça permet aux clientes de trouver un bon fit », estime-t-elle. Elle espère ainsi que les clientes seront plus à l’aise de parler à leur conseiller financier et de se confier.  Pour sa part, Caroline Renaud estime qu’un plus grand nombre de conseillères n’aidera qu’à court terme. « Ce qui est souhaité, c’est, que l’on soit un homme ou une femme, qu’on soit capable de comprendre nos clientes de la même façon. On a encore du travail à faire pour offrir cette approche basée sur la confiance. »

Quelques chiffres

-    D'ici 2028, les Canadiennes contrôleront des actifs totalisant 4 billions de dollars. Il s'agit presque du double de ce qu'elles détiennent à ce jour, soit 2,2 billions de dollars.

-    80 % des Canadiennes changent de conseiller financier dans l’année suivant le décès de leur partenaire.

-    Seulement 50 % des femmes font confiance à leur propre capacité en matière de placement, comparativement à 65 % des hommes.

-    Les investisseuses sont 2,5 fois plus à l'aise de prendre des risques avec leurs placements si elles ont une conseillère plutôt qu'un conseiller.

-    Le nombre de recommandations que fera une cliente de son conseiller sera 2,5 fois plus élevé que celui d’un client.

 

Les femmes et le patrimoine, Patrimoine privé Mackenzie.

Où sont les conseillères?, Placements mondiaux SunLife.